• Un enfant dans la guerre

    On n'avait pas voulu de lui aux mines, ni dans les fonderies, encore moins dans les ateliers de tréfilerie ou d'étamage. Il était bien trop jeune. Depuis des mois, l'Evanoui dormait aux portes de la ville, dans l'habitacle d'un tank soviétique démantelé, calciné, réduit à l'ossature. Même pour gagner moins d'un dollar par jour, le travail l'accaparait du matin à la nuit tombante. Il s'était mêlé un temps aux castes des brosseurs de souliers et des laveurs de pare-brise, malgré les disputes et l'emprise féroce des entremetteurs, ceux qui prêtaient les caisses à cirage. Très vite, des jeunes gens en pantalon de treillis et baskets de luxe lui proposèrent de livrer des paquets de résine d'opium sous le nez des forces de police. Ces intermédiaires qui l'embauchaient au coup par coup se délestaient sur lui de l'essentiel de la mission dont quelque caïd les avait chargés. Ils ne lâchaient d'ailleurs aux petits coursiers qu'une part infime de leur rétribution. Les gosses étaient nombreux à tout risquer pour quelques afghanis. Comme partout où l'économie de guerre encourage les pires trafics, la pusillanimité des adultes s'appuyait largement sur cette main-d'oeuvre privée de recours. Les cohues juvéniles courant en tous sens ou hélant le chaland donnaient aux rues un air de fausse gaieté ; cette explosion de jeunesse affairée à survivre sous l'oeil d'ancêtres aux allures de momies n'avait d'autres circonstances que l'intangible vitalité d'un peuple.

    « Adolescence, humour, tendresse...Ados d'mots, le recueil des textes des élèves de 4ème A »